mardi 28 avril 2015

André Chénier ~ Elégie I, Livre II, Lycoris

Héritier des Antiques, Ovide, Tibulle, Properce, l’auteur de La Jeune Tarentine annonce aussi Verlaine. Rare au XVIIIe siècle (1762-1794). "L'amour est une ivresse, l'ivresse est amour."

Elégie I, Livre II, Lycoris

Reine de mes banquets, que Lycoris y vienne ;
Que des fleurs de sa tête elle pare la mienne ;
Pour enivrer mes sens, que le feu de ses yeux
S’unisse à la vapeur des vins délicieux.
Hâtons-nous, l’heure fuit. Un jour, inexorable,
Vénus, qui pour les dieux fit le bonheur durable,
A nos cheveux blanchis refusera des fleurs,
Et le printemps pour nous n’aura plus de couleurs.
Qu’un sein voluptueux, des lèvres demi-closes,
Respirent près de nous leur haleine de roses ;
Que Phryné sans réserve abandonne à nos yeux
De ses charmes secrets les contours gracieux.

Quand l’âge aura sur nous mis sa main flétrissante,
Que pourra pour nous la beauté, quoique toute-puissante ?
Nos cœurs en la voyant ne palpiteront plus.
Cependant jouissons ; l’âge nous y convie.
Avant de la quitter, il faut user la vie :
Le moment d’être sage est voisin du tombeau.

Allons, jeune homme, allons, marche ; prends ce flambeau,
Marche, allons. Mène-moi chez ma belle maîtresse.
J’ai pour elle aujourd’hui mille fois plus d’ivresse.
Je veux que des baisers plus doux, plus dévorants,
N’aient jamais vers le ciel tourné ses yeux mourants.

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